Bonjour Docteur Serge Cosnier,
Vous êtes Bioélectrochimiste et Directeur du Département de chimie moléculaire au CNRS à Grenoble. Vous avez inventé une pile qui utilise le glucose du sang en collaboration avec Monsieur Cinquin, Directeur du laboratoire Techniques de l'ingénierie médicale et de la complexité - informatique, mathématiques et applications de Grenoble.
GT : Quel-est le principe général de la pile à glucose ?
SC : Il consiste à associer deux électrodes modifiées par des enzymes afin de produire de l'électricité à partir de l'oxygène (qui est réduit : consommation d'électrons) et du glucose (qui est oxydé : production d'électrons).
La réaction d’oxydo-réduction (annexe 1) se compose donc de deux demi-réactions : l’oxygène, l’oxydant, capte donc 4 électrons, et le glucose, le réducteur, lui cède deux électrons. Fermer alors le circuit électrique entre les deux éléments permet de pouvoir ensuite utiliser cette énergie.GT : En quoi cette découverte peut-elle changer la vie de nombreuses personnes ?
SC : Cette biopile produit de l'énergie électrique à partir du glucose et de l'oxygène présents dans votre organisme (liquides extra-cellulaires, sang, etc) donc contrairement aux piles qui contiennent une quantité finie d'énergie, en théorie, la biopile peut procurer de l'énergie d'une manière illimitée puisqu'en respirant et en mangeant l'organisme maintient une concentration constante du glucose et de l'oxygène.GT : Comment fait-on pour devenir bio-électro-chimiste ?
SC : On devient en général chimiste en s'intéressant également aux méthodes physico-chimiques que l'on peut approfondir dans certaines filières comme l'électrochimie. Travailler à l'interface a nécessité pour ma part, d'effectuer un stage d'un an en Allemagne dans un laboratoire spécialisé en biochimie. GT : Quelle idée vous a invité à travailler ensemble pour arriver à cette découverte ?
SC : Je travaillais depuis plusieurs années sur la bioconversion de l'énergie, en particulier avec des électrodes à hydrogénases (annexe 2) pour transformer l'hydrogène en électricité et vice-versa puis je travaillais ensuite sur les biopiles quand le Professeur Cinquin est venu me trouver pour me proposer de développer des biopiles implantables, sujet ô combien délicat puisqu'il faut résoudre non seulement le problème de l'élaboration des biopiles mais également leur stérilisation, les rendre biocompatibles et aussi résoudre tous les problèmes de connexion de la biopile dans l'animal et la chirurgie. GT : L’avenir semble s’ouvrir sur la combinaison très pointue de différentes sciences et technologies : pourquoi ?
SC : Nous sommes loin d'avoir expliqué et exploité toutes les possibilités de combinaison de systèmes biologiques mis au point par la nature depuis des millénaires et des systèmes étrangers au milieu vivant. Serge Cosnier, vous venez d’avoir le grand prix de la Société Chimique de France. Nous tenons à vous en féliciter, et au-delà , à vous remercier pour vos recherches et vos découvertes qui, espérons-le, pourront à l’avenir aider de très nombreuses personnes.
Annexes :
(1) Pour nos lecteurs qui voudraient comprendre plus en avant le principe de l’oxydo-réduction, le lien ci-présent permet d’accéder à la page Wikipedia qui le détaille :
https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9action_d'oxydor%C3%A9duction(2) Les hydrogénases sont des enzymes qui catalysent de façon réversible la conversion des ions H+ (« protons ») en dihydrogène selon la réaction : 2 (H+) + 2 (e -) = H2
Le lien suivant défini plus précisément les hydrogénases :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Hydrog%C3%A9naseInterview : P. Broage